Avant-propos
Cette enquête fait suite à la publication d’un article publié le 23 avril 2020 sur le blog de Bill Gates. Au regard de l’actualité, nous avons souhaité en faire un décryptage éclairant, enrichi des considérations d’Ivan Illich au sujet de la “Némésis Médicale” — l’expropriation de la mort opérée par la médicalisation croissante des corps — et par les analyses de la philosophe italienne Bianca Bonavita, laquelle suit « l’évènement Covid-19 » avec une attention implacable.
« Homo sapiens, qui s’est éveillé au chamanisme dans une tribu et a grandi en politique en tant que citoyen, est maintenant prêt pour devenir un détenu à vie dans un monde industriel. La médicalisation pousse à l’extrême le caractère impérialiste de la société industrielle. » — Ivan Illich, Némésis médicale, p.98.
Prémisse
Dénoncer la mystification construite autour du grand événement spectaculaire de la Covid-19 (que nous distinguerons dans le texte du virus Sars-CoV-2) et les pratiques gouvernementales de contrôle de la population, ne signifie pas défendre la normalité dévastatrice du virus, cela ne veut pas dire non plus de préférer revenir à la « normalité ». Tout comme cela ne signifie pas nier la mort des gens.
Contrairement au « Monologue du virus », texte que nous avons lu, aimé et parfois même publié [], le virus ne nous semble plus être, comme le souhaiteraient certaines critiques radicales, une conséquence particulière de la destruction provoquée par le capitalisme et ses fermes industrielles humaines et animales. Le nouveau coronavirus n’a rien du « démon de l’Appocalypse ».
Depuis de nombreuses décennies, les élevages humains et animaux produisent beaucoup plus de maladies chroniques mortelles : lequel d’entre nous n’a jamais pleuré des amis ou des parents décédés prématurément de tumeurs ou de maladies cardiovasculaires qui sont, si l’on veut utiliser ce mot, les deux véritables pandémies de notre temps ? Des pandémies produites par des formes de vie naturelles, dominées par le régime de la différenciation, enchaînées à des emplois aliénants, immergées dans un air irrespirable, abreuvées par des eaux polluées et gavées aux aliments industriels.
Par conséquent, déplacer l’attention des maladies chroniques, qui sont les véritables pandémies modernes, vers les maladies infectieuses à faible létalité (nous expliquons plus loin, données à l’appui, le pourquoi d’une telle affirmation), contribue à supprimer une discussion sérieuse sur le lien qui existe entre « prévention » et « mode de vie ».
Pour ces raisons, le virus ne nous semble pas être ce messager — ou ce messie — capable de mettre en évidence, à celles et ceux qui ne les ont pas vus auparavant, les maux du monde dans lequel nous vivons, mais plutôt un outil de distraction qui rend encore plus difficile toute observation et toute compréhension des perversions profondes et structurelles du capitalisme.
Si un pays tout entier (mais la discussion pourrait aussi s’étendre au-delà des frontières nationales), à de rares exceptions près, accepte, sans en remettre en cause les raisons, la suspension de nombreuses libertés fondamentales, en proie à la peur et à la suspicion ou simplement à une acceptation pacifique encore plus inquiétante [], comment les habitant·es de ce pays se retourneront-iels contre les catastrophes produites par le capitalisme afin de remettre en question et redéfinir leur mode de vie ?
La plupart des gens ne voudraient-ils pas, au fond, un simple retour à la normalité ? Et au nom de ce désir, n’accepteront-iels aucun abus du pouvoir ? Et pour retrouver ne serait-ce que quelques éléments de l’ancienne normalité, n’accepteront-iels pas tous les dispositifs atroces et absurdes de la nouvelle normalité haineuse qui prend vie sous nos yeux ?
Déjà, en 2005, l’Organisation Mondiale de la santé, à l’occasion de la grippe aviaire, avait suggéré un scénario comme celui que nous vivons aujourd’hui, en le proposant aux gouvernements comme moyen d’assurer le soutien inconditionnel des citoyens. [] []
Si l’hécatombe qui, chaque année, provoque les cancers et maladies cardiovasculaires (150 000 décès du cancer [] et 140 000 décès liés à des maladies cardio-vasculaires [] chaque année en France) n’a pas montré à la plupart des gens la réalité indéniable de la destruction que produit le capitalisme, comment un virus, qui a besoin d’une opération de propagande impressionnante pour augmenter sa létalité (certaines études, comme celle de l’Université de Kobe au Japon, parlent même d’une létalité inférieure à celle de la grippe saisonnière) [], pourrait-il permettre à un individu dont l’œil est obscurci par l’épais écran de fumée de la fausseté de voir et de comprendre la réalité destructrice du monde industriel dans lequel il vit ?
« Aucune aide ne doit être imposée à un individu contre son gré : nul ne peut, sans son consentement, être emmené, enfermé, hospitalisé, soigné ou harcelé au nom de sa santé. » — Ivan Illich, Némésis Médicale, op.cit., p.245.
Le virus Sars-CoV-2, sous ses formes différentes et mutantes qui circulent, qu’il ait une origine malveillante, artificielle, accidentelle ou naturelle, nous apparaît plutôt comme un produit / événement (attendu, souhaité ou provoqué) géré par des oligarchies transnationales numériques, pharmaceutiques et biotechnologiques afin de pouvoir redéfinir les structures géopolitiques et les formes de gouvernementalité de notre monde.
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Notes & références